Elle marche dans la nuit, foule la terre qui refoule la chaleur délabrée du jour.
La nuit, le paysage se calme, trouve son chemin après la tourmente.
Elle aime le bruit du silence, le peuple invisible de la nuit.
Elle ne voit, ni n’entend autre chose que son exil nocturne où tout est abandonné.

L’odeur la mène par le bout du nez.

Elle est seule avec ses pas.

Ses pas égrènnent le rosaire des pensées qui vident leurs sens sous une lune pleine comme une pupille démente.
Ses pas l’accompagnent sur le sentier éclairé, étiré.
Elle lit dans l’herbe piétinée le programme, touche son visage : sa moustache ne cesse de pousser.
Mais elle, elle se dit qu’une main suffit pour arracher les mauvaises herbes.

C’est la nuit et elle marche.
Elle marche sans avancer, développe l’impossible, un buisson, une maison, un muet animal.
L’animal appartient au lieu des flanelles et brocards. Il saisit une jambe du pantalon et la détache, puis pétrifie l’autre en jupe. Elle sent alors sur ses jambes l’air lisse et la ruine de sa naissance.
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Quand la nuit, elle enlève sa chemise, son caleçon, le troque enfin contre un tailleur en velours et col en dentelle, elle sait qu’elle ne désire pas mourir en homme mais seulement comme lui pouvoir continuer à se promener torse nu.

Chaque nuit, elle invente un crime : elle marche en moustache et en jupe.

Elle marche sans avancer.
À son cou la pierre précieuse de l’ambivalence.

Elle marche dans la nuit.
La nuit, le paysage se calme.
Elle sait que les assassins les plus forts connaissent parfaitement la langue des herbes, des arbres, des oiseaux, des femmes et des nourrissons.
La nuit elle, fait périr l'homme.

© Loutre-Barbier