Parce que ce moment, ce n’est pas rien.

Quand au premier feu du jour, on te trouve décroché de terre,
dragon sans ardeur, on te voudrait encore flânant dans
nos solitudes brumeuses.

Mais de l’intérieur déjà se consume ton corps
et mortel tu es devenu à toi-même.

La sainte terreur nous saisit et dans une immobile agitation,
on s’acquitte du devoir de contenir l’impensable.

Puis on défit le sacré.

Ton sang est changé.

Dans cette transfusion morte, l’air circule mais la rivière est gelée.

Sous la lune gonflée, ton masque opalin aux traits identiques
nous miroite charcutiers.

Toi, tu es sépulcral, c’est plus clair.

La tête a déjoué le processus, l’épouvantail décapité n’effraie plus les corbeaux et l’extinction reprend.

Le soleil brille sous terre.

Le feu est dans le puits.

Dans nos crânes, les poumons se déplacent.

Soleil de minuit et eau de feu arrachent des lambeaux de hiéroglyphes inédits que des larmes miraculeuses lavent de tout venin.

Toi, tu es rentré à l’intérieur de ton corps voir à la lumière du feu
le courant voluptueux du Styx.

Tu craignais manquer de souffle pour atteindre le dernier.

Mais captifs les poumons se répètent et au rythme d’oxygène, ta bouche bée exhale l’haleine de l’hiver.

Tes lèvres givrent.

Ta pâleur vire farine.

Tes entrailles pétrissent leur dernier pas.

Ta soufflerie émet l’ultime pneuma d’agonie.

Digne sous ta défroque, ta dépouille, papa, enfle au creux du lit
à la lumière des néons.

Papa, la mort est morte.

Je t’aime.

L’homme qui est mort contemple l’homme qui n’est pas mort et dit :
« C’est bon, tais-toi et nous sommes sauvés. »
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© Loutre-Barbier