Loutre-Barbier

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La Loutre rapporteuse › Les yeux dans les doigts

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Un homme et une armoire

(Au fond de l’armoire de famille, une bouse, précieuse,
séchée, protectrice et bienfaitrice.

L’armoire, c’est les courses folles dans les alpages à nippes
jusqu’au tiroir du bas.)

Enfermé dans l’armoire,
J’inaugure un lieu sans péril.
Assis sur mes talons, je suis en vacances.
Boussole perdue, dans l’armoire à deux portes et miroirs.
Dans l’aurore, le linge chuchote :
« Va, poisson d’eau rouge deviens noir. »
Dans le fond, les planches ont la notion du vert, de l’air
et le soleil est un clou qui est le soleil.
Penser à la lueur d’espoir invisible dans l’ombre du doute.
Écouter le noir.
Dans le noir jusqu’au blanc : voix, voix d’hommes.
J’entends clairement des voix.
Voix de serrurier, de policier, de médecin, d’infirmier, d’ambulancier.
Je les vois.
Le problème, c’est ce que je vois quand il n’y a rien à voir, pas les voix.
Tous parlent. Résonnent ensemble. Ils ont raison.
Je suis fou. Il faut m’enfermer. Il n’y a rien à opposer.
Je dois être enfermé.
Mais je est où ?
Ou donc suis je?
Dans l’armoire fermée, je me demande, je ne m’y attends pas.
Ils fouillent la maison.
Je m’en remets à moi.
Ils ouvrent les deux portes à miroir de l’armoire.
Ils m’en remettent au jour.
Me considèrent d’une certaine façon.
Je suis alors déplacé, complètement déplacé.
Je suis déplacé à un point tel qu’ils m’oublient et parlent à l’armoire,
à l’armoire à deux portes et miroirs.
Je regarde. Je réfléchis froidement. Moi.
Les infirmiers m’entravent, baissent mon pantalon,
me déchirent d’une piqûre pour que mes jambes puissent marcher
sans empêcher le départ.
Je fais un grand écart pour les impressionner.
Je me regarde dans le tain du miroir de l’armoire qui me le renvoie bien.
On est du même bois, l’armoire et moi.
Je suis là, je vis, je vois.
Je réfléchis ce que je suis.
Je suis.
Deux des hommes prennent le droit sur moi et me transportent.
Deux hommes et une armoire sortent de la maison, donc.
M’ont-ils vu égorger le coq ?
Laver mes cheveux dans l’eau souillée de l’égout ?
Avancer genoux raides ?
Ou encore lécher mon ombre par terre ?
Au fragment du miroir, je suis, tête brèche mais sans fêlure, c’est sûr.
L’ambulance devant la maison est prisonnière de la géologie fanée de la rue.
Puis le paysage se décale, se disloque, s’écartèle.
Mais je ne me démonte pas.
Je suis une armoire rare, une armoire très impériale, très troublante.
On va me trouver un lit et je me coucherai à côté.
Comme ça, le lit et l’armoire-moi on fera une vraie chambre matrimoniale
si le lit aussi est double.
Puis quand je m’entendrai à nouveau bien,
que je serai silencieux complètement, je sortirai de l’hôpital.
Il faudra trouver un transporteur, une camionnette au moins
pour me déménager.
Entre l’armoire et moi, la limite est labile.
Mais ça on verra.
Plus tard.

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De feu à feu

(De) La Loutre
(À) Laurence
(Pour) Daniel

La vie est une musique, mais je n’ai rien entendu.
Je vais mourir.
Te dire je vais mourir et je suis contente.
Tellement contente.
Non mon Loulou, ne sois pas triste.
Je n’en puis plus c’est tout.
Je n’ai pas peur, toi tu es mort déjà.
Tu l’avais dit, on finirait par se retrouver.
Alors laisse faire mes ongles sur ta peau
Ongle
Tout petit
Dans un
Tout petit
Doigt qui
Caresse le calendrier
Des mois
Posé sur mon
Ventre je compte
Mes doigts
Cinq mois que tu es mort
Dis toi
Sans amour de moi
Sans amour peux-tu ?
Non
Pas moi.
La vie est en désordre.
J’ai beau tracer, le but m’a trouvée.
Je dois passer du corps à l’âme.
Je suis hâtée.
Je suis hâtée.
Quand on est mort après c’est pour la vie.
La vie à embrasser.
Et cet enfant que tu m’as fait.
Pas le premier mais le second que tu fis.
Te souviens-tu, oh mon Loulou, avant ton fils,
d’une petite fille un jour surgie ?
Jamais revue.
Par le fou que tu es devenu, tes enfants non reconnus.
Maintenant je vais dormir.
La mort est à venir.
Charpente du ciel
Clouée d’étoiles
Ancrées dans les yeux
Limite perdue
De la tête
Vivre
Le temps immobile
Dans le pré sacré
Ne rien dire
Grigner ou sourire
Rêve entamé
D’on ne sait
Ou va la mer
Surtout ne pas être folle
Garder intacte
Cette possibilité de le redevenir.
Lâcher prise, ne plus tenir la barre.
Essayer le mouvement inversé.
Faire le feu dans les yeux et mourir les erreurs.
Que dis-tu ?
Entre la braise et le hurlement que dis-tu ?
Être une braise qui sans fin se consume, dis-tu ?
Oh mon Loulou, tout à fait mon type.
Tu es toujours aussi ardent.
Quel jour sommes-nous ?

Laurence est morte le 14 janvier 2012
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© Loutre-Barbier

Clou de cœur

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C'est les oiseaux.

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Daniel Chavinas est mort.

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Là-bas

On ne rentre pas par hasard là-bas.
On doit être accepté par la bête, il faut mériter cette place, l’ultime peut-être qu’on occupera vivant.
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Il faut être vieux surtout, malade aussi, invalide de préférence.
Prévoyant, un peu, on a su économiser pour ses vieux jours, et dans ce sursis que la vie octroie parfois, on peut bénéficier ici de soins, pour soi indispensables, prodigués par une équipe dévolue à son propre corps, à sa propre personne.
La première condition pour avoir une existence n’est-elle pas d’être en vie ?
Alors on s’y atèle.
Et puis de toute façon, on n’a pas le choix, on est en réalité condamné à vie sans preuve.
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Ou plutôt non, pour être dans la bête, il faut être bien vivant d’abord, soignant surtout, bienveillant aussi, formé à appréhender les situations médicales et bâti pour accompagner la détresse.
Il faut être généreux et astucieux pour pallier les imprévus que réservent le corps malmené par la vieillesse et la maladie des personnes en souffrance.
On est au cœur de la tourmente existentielle, on tente d’endiguer le désastre, on accompagne des personnes qui sont sans autre perspective que la fin de soi, dans leur présent et leur quotidien bien réel. On accompagne des personnes. Des personnes, ce n’est pas une seule personne.
On soulage.
On soigne, on aide, on soutient, on ressent.
On parle, on touche, on sent.
On soulage.

Ou alors encore, pour intégrer la bête, il faut avoir à retrouver l’être cher dans son marasme.
Celui qu’on connaissait debout (et qu’on voit toujours debout même si...), et bien il est là-bas.
On peut être avec lui en journée.
On est content qu’il soit là-bas (il ne pourrait être nulle part ailleurs de toute façon...).
On sent qu’il est bien là-bas et en même temps, c’est insupportable de le savoir là parce que s’il est là, c’est qu’il en est là où il en est : c’est-à-dire au bout du rouleau et en lambeaux.
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On ne rentre pas par hasard là-bas.
On passe là-bas si on appartient à la deuxième ou à la troisième catégorie.
On trépasse là-bas si on est de la première.
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Je suis de la troisième catégorie et il y a lui dans la première.
Sans la deuxième catégorie, la première ne serait pas sur terre.
Ceux de la deuxième catégorie pensent que sans la troisième, la première catégorie a peu de chance de tenir encore longtemps.
Mais la troisième comme la deuxième savent au fond que la personne de la première catégorie en dépit de son pitoyable état conduit dans sa solitude son propre véhicule sur l’impasse de la vie.
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© Loutre-Barbier

Géronimo - EKIA

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À l’Ouest pas de lézards, mais des lucioles et des iguanes.
Aujourd’hui, la luciole est allée voir sa copine pour s’amuser avec.
Elle va lui faire un beau bébé en lui crachant dessus.
Les iguanes tout l’hiver mangent de la salade pourrie.
C’est peut-être ce qui les rend fous.
Aujourd’hui, j'ai réussi à comprendre que le paradis, c’est de manger des fruits.
Mais j'ai mangé un pot de confiture avec du lait.
Alors je me suis fait jeter par moi-même et maintenant je bois de la bière avec du citron pour faire passer la folie.
À l’Ouest, les braconniers chouravent les lézards, pour les empailler ou les prendre en photo, c’est la même chose.

Mais Colonel Custer, vous vous trompez...
Les Apaches ne sont pas les Sioux.
Ben Laden n’est pas Géronimo.
Et ce nuage de poussière devant...
C’est un nuage de poussière...

Après, les braconniers, mettent la photo dans le mur.
Et bang ! un coup d’éponge dessine un roi mage en cuvette.
Je le vois qui me regarde.
Il a des branchies à droite.
Pas de branchies du côté gauche.
Peut-être à cause de son crâne.
Ouais. Je vais lui couper une jambe et la lui greffer au larynx.
On dira que c’est une variété de poisson à oreilles... avec des arêtes de panards.
Il faut une oreille de cinq mille lobes pour une greffe de pied.

Mais non Colonel, je ne bougerai pas.
Opération ennemi tué au combat ratée.
Vous savez bien que les Apaches ne sont ni au Nord ni au Sud, ni aux environs de leur campement.
Observez le nuage de poussière et vous verrez qu’ils sont exactement là, à l’Est et que moi je suis complètement à l’Ouest.

À l’Ouest quand on ne sait pas où on est, que les yeux sont devenus saillants et aveugles, on les tourne vers l’Orient.
On va voir les bonnes couleurs.
Du noir au blanc, il y a quand même les deux.
Donc toutes les couleurs sont dans la nature.
Il y a des griottes rouges, des griottes noires.
Il y a des prunes noires, des prunes violettes.
Et quand elles sont opaques, c’est comme avec les bonzaïs, on peut les mettre au four et faire des tartes.

Hep hep hep, ne tirez pas Colonel Custer !
On ne ramène pas si facilement au bercail Sitting Bull, le grand chef héréditaire de tous les Apaches et de ses alliés.
L’autre avec moi, c’est Géronimo.
Sitting Bull et Geronimo resteront ici sur cette plaine et si la guerre éclate pour un Indien tué, dix cowboys seront massacrés. Parfaitement... et ce sera l’extermination de l’envahisseur, l’étripage de l’oppresseur, le bousillage total de ta tronche d’homme blanc, bref ce sera Geronimo, Ennemy Killed in action.

Tu vois Colonel, tu me dis noir, je te dis blanc, tu me dis blanc, je te dis gris.
Moi je bleuis, c’est ma façon de rougir.
Je t’embêterai tellement que tu arriveras à déraisonner,
ne même plus t’approcher de moi parce que tu croiras que je suis fou, trop dangereux.
Mais je te rattraperai.
C'est avec tes yeux que je regarde.
Mes yeux à moi, c'est pour mettre mes doigts devant, pour rigoler de ce que je rigole.
Allez reviens ici que je t’enterre.
Toi je te mets au soleil ou à l’ombre pour toujours.
Après, le déluge.

© Loutre-Barbier

L'expérience de l'état flaque

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Mangez des fruits

Pensée de profil
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Crash test

Les yeux dans les doigts 01
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