(De) La Loutre
(À) Laurence
(Pour) Daniel

La vie est une musique, mais je n’ai rien entendu.
Je vais mourir.
Te dire je vais mourir et je suis contente.
Tellement contente.
Non mon Loulou, ne sois pas triste.
Je n’en puis plus c’est tout.
Je n’ai pas peur, toi tu es mort déjà.
Tu l’avais dit, on finirait par se retrouver.
Alors laisse faire mes ongles sur ta peau
Ongle
Tout petit
Dans un
Tout petit
Doigt qui
Caresse le calendrier
Des mois
Posé sur mon
Ventre je compte
Mes doigts
Cinq mois que tu es mort
Dis toi
Sans amour de moi
Sans amour peux-tu ?
Non
Pas moi.
La vie est en désordre.
J’ai beau tracer, le but m’a trouvée.
Je dois passer du corps à l’âme.
Je suis hâtée.
Je suis hâtée.
Quand on est mort après c’est pour la vie.
La vie à embrasser.
Et cet enfant que tu m’as fait.
Pas le premier mais le second que tu fis.
Te souviens-tu, oh mon Loulou, avant ton fils,
d’une petite fille un jour surgie ?
Jamais revue.
Par le fou que tu es devenu, tes enfants non reconnus.
Maintenant je vais dormir.
La mort est à venir.
Charpente du ciel
Clouée d’étoiles
Ancrées dans les yeux
Limite perdue
De la tête
Vivre
Le temps immobile
Dans le pré sacré
Ne rien dire
Grigner ou sourire
Rêve entamé
D’on ne sait
Ou va la mer
Surtout ne pas être folle
Garder intacte
Cette possibilité de le redevenir.
Lâcher prise, ne plus tenir la barre.
Essayer le mouvement inversé.
Faire le feu dans les yeux et mourir les erreurs.
Que dis-tu ?
Entre la braise et le hurlement que dis-tu ?
Être une braise qui sans fin se consume, dis-tu ?
Oh mon Loulou, tout à fait mon type.
Tu es toujours aussi ardent.
Quel jour sommes-nous ?

Laurence est morte le 14 janvier 2012
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© Loutre-Barbier