Chaque fois qu’elle s’en va, il y a cet instant où sa main abandonne sa main et la touche encore.
Le vide est alors insoupçonné.
La béance est totale.

Elle, elle est dans sa nudité mythologique recouverte d’une vague parfois dont l’écume duveteuse prend la forme d’une chemise.

Lui, guidé par sa lumière, il lui parle sans tremblement mauve et, entre eux, irisé, est un arc-en-ciel d’huile.

Dans ses yeux d’éther, tout est limpide.

Avec elle, il devient un oiseau céleste et de leurs lèvres se découd un sourire, pas un dessin, plutôt une sensation sans compromis.

Et quand le soleil décline, ils sont le halo doré.

Mais s’approcher si près, c’est risquer perdre.

Tous les jours, un jour.
L’amour est ténu.

Du haut du pont, il s’arrête un temps en pensée avec elle.

En dessous, dilaté, moelleux le fleuve est un appel à l’abandon, à laisser tout tomber, à se laisser aller, aller à tomber, à se laisser tomber.

Mais soudain revient sa main à elle, main griffue de harpie.

Cette main, qu’il croyait abandonner chaque fois qu’elle le lâchait, s’oppose brutalement à l’image, coupe court à l’appel du fleuve, interdit la chute.

La main de sa harpie le rattrape.

Et, il se ressaisit.

Seul tombe son regard.

Alors, l’onde à la surface de l’eau frissonne.
De multiples rides forment autant de miroirs qui renvoient la lumière.
Il plisse les yeux et il voit son reflet dans ce qui forme désormais l’empreinte digitale d’une géante.

L’eau a changé.
Tout a changé.

Intact néanmoins leur amour.
De ciment et de chaux vive, leur cœur est devenu.
Et en eux, l’incantatoire apprêt du souvenir et la mort.

Le soleil d’automne adoucit la douleur.
Son corps a gagné à vivre un temps encore.

Elle, elle s’est perdue de vue, et c’est là qu’elle a tout gagné.

Sur un bain d’or, l’onde a formé un cercle parfait, puis un autre aussi net.
Gravés sur les anneaux, les maux de leur cœur : à chacun sa chacune.
La mort enlace les deux d’un même temps qui s’installe et fige l’éphéméride en l’état.

À vie.
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